Page:Mill - La Liberté, trad Dupont-White, 1860.djvu/160

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admettre la possibilité qu’une opinion à laquelle elle est fortement attachée puisse être fausse, elle devrait être touchée par l’idée que, si vraie que soit cette opinion, on la regardera comme un dogme mort et non comme une vérité vivante, si l’on ne peut la discuter complètement, souvent et hardiment.

Il y a une classe de personnes (heureusement pas tout à fait aussi nombreuse qu’autrefois) à qui il suffit que les autres se rangent à leur propre opinion, même quand ils ne possèdent nullement les motifs de cette opinion et qu’ils sont incapables de la défendre contre les objections les plus superficielles. Quand de telles personnes apprennent leur Credo de l’autorité, elles pensent naturellement que si l’on en permet la discussion, il n’en peut résulter que du mal. Partout où domine leur influence, elles rendent presque impossible de repousser sagement et en connaissance de cause l’opinion reçue, quoiqu’on puisse encore la repousser inconsidérément et avec ignorance, car empêcher complètement la discussion est presque impossible, et si elle parvient à se faire jour, des croyances qui ne sont pas fondées sur la conviction céderont facilement devant la plus légère apparence d’argument. Maintenant si l’on écarte cette possibilité, si l’on admet que l’opinion vraie demeure dans l’esprit, mais y demeure à l’état de préjugé, de croyance indépendante de l’argument