Page:Mill - La Liberté, trad Dupont-White, 1860.djvu/185

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il s’exprime toujours dans les termes les plus généraux, impossibles souvent à interpréter littéralement et possédant plutôt l’onction de la poésie ou de l’éloquence que la précision de la législation. On n’a jamais pu en extraire un corps de doctrine morale, sans y ajouter l’Ancien-Testament, c’est-à-dire un système élaboré, à la vérité, mais barbare sous beaucoup de rapports, et fait seulement pour un peuple barbare. Saint Paul, un ennemi déclaré de cette manière judaïque d’interpréter la doctrine et d’achever l’esquisse de son maître, admet également une morale préexistante, savoir, celle des Grecs et des Romains, et il conseille aux chrétiens de s’en accommoder, jusqu’au point de sanctionner en apparence l’esclavage. Ce qu’on appelle la morale chrétienne, mais qu’on devrait plutôt appeler morale théologique, n’est nullement l’œuvre du Christ ni des apôtres ; elle date de plus près, elle a été faite graduellement par l’église chrétienne des cinq premiers siècles, et quoique les modernes et les protestants ne l’aient pas adoptée implicitement, ils l’ont moins modifiée qu’on n’aurait pu s’y attendre. À vrai dire, ils se sont contentés, pour la plupart, de retrancher les additions qui y avaient été faites au moyen âge, chaque secte les remplaçant par de nouvelles additions plus conformes à son caractère et à ses tendances. Je ne prétends nullement nier que l’espèce humaine doive beaucoup à cette morale