Page:Mill - La Liberté, trad Dupont-White, 1860.djvu/193

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importante sous un point de vue pratique, disparaît devant une objection plus fondamentale. Sans aucun doute la manière de proclamer une opinion, même une opinion juste, peut-être très-répréhensible et encourir à juste titre une censure sévère. Mais les principales offenses de ce genre sont telles qu’il est le plus souvent impossible, si ne n’est à moins d’un aveu accidentel, d’arriver à les démontrer.

La plus grave de ces offenses est de discuter d’une manière sophistique, de supprimer des faits ou des arguments, d’exposer inexactement les éléments du cas ou de dénaturer l’opinion adverse. Mais des personnes qu’on ne regarde pas, et qui, sous beaucoup d’autres rapports, ne méritent pas d’être regardées comme ignorantes ou incompétentes, agissent ainsi, même de la façon la plus grave, si souvent et avec tant de bonne foi, qu’il est rarement possible de pouvoir, en conscience, sur des motifs suffisants déclarer moralement coupable un faux exposé ; et la loi pourrait encore bien moins se permettre d’incriminer ce vice de polémique.

Quant à ce qu’on entend communément par discussion sans mesure, à savoir les invectives, les sarcasmes, les personnalités, etc., la dénonciation de ces procédés mériterait plus de sympathie, si on proposait jamais de les interdire également aux deux côtés ; mais on ne désire en restreindre l’emploi