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Page:Mill - La Liberté, trad Dupont-White, 1860.djvu/249

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de l’ascendant qu’exerce toute opinion reçue sur les esprits qui sont le moins capables de juger par eux-mêmes, aidée par les pénalités naturelles que ne peut éviter quiconque s’expose au dégoût ou au mépris de ceux qui le connaissent, que la société n’aille pas réclamer en outre le pouvoir de faire et d’imposer des lois relatives aux intérêts personnels des individus. D’après toutes les règles de la justice et de la politique, l’appréciation de ces intérêts devrait appartenir à ceux qui doivent en supporter les conséquences. Il n’y a rien qui tende plus à discréditer et à rendre inutiles les bons moyens d’influencer la conduite humaine que d’avoir recours aux pires. S’il y a en ceux qu’on essaye de contraindre à la prudence ou à la tempérance l’étoffe d’un caractère vigoureux et indépendant, ils se révolteront infailliblement contre le joug. Aucun homme ainsi fait ne pensera que les autres ont le droit de le contrôler dans ses intérêts, comme ils ont le droit de l’empêcher de nuire à leurs intérêts ; et on en vient aisément à regarder comme un signe de force et de courage de tenir tête à une autorité aussi usurpée, et d’accomplir avec ostentation exactement le contraire de ce qu’elle prescrit. C’est ainsi que l’on vit, au temps de Charles II, la grossièreté de mœurs succéder comme une mode à l’intolérance morale née du fanatisme puritain. Quant à ce qu’on dit de la nécessité de protéger la