Page:Mill - La Liberté, trad Dupont-White, 1860.djvu/256

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l’application, si on nous la faisait, nous paraîtrait une si grande injustice.

On peut se récrier, quoiqu’à tort, sur les exemples précédents, comme tirés d’éventualités impossibles chez nous, car dans notre pays l’opinion n’ira pas apparemment imposer l’abstinence de certains mets ou tourmenter les gens parce qu’ils suivent tel ou tel culte, ou parce qu’ils se marient ou ne se marient pas selon leur croyance ou leur inclination. L’exemple suivant toutefois sera pris d’une atteinte à la liberté dont le danger n’est nullement passé.

Partout où les puritains ont été en force suffisante comme dans la Nouvelle-Angleterre et dans la Grande-Bretagne au temps de la république, ils ont tenté avec grand succès de supprimer les amusements publics et presque tous les amusements privés, particulièrement la musique, la danse, le théâtre, les jeux publics ou toute autre réunion pour un but de divertissement. Il y a encore dans notre pays un nombre considérable de personnes dont les notions de religion et de moralité condamnent ces récréations ; or ces personnes appartenant à la classe moyenne, il n’est nullement impossible que des gens de cette opinion puissent avoir un jour ou l’autre à leur disposition une majorité au parlement. Que dira le reste de la communauté, voyant régler les amusements qui lui seront permis par les sentiments moraux et religieux des calvinistes et des méthodistes les plus sévères ?