Page:Mill - La Liberté, trad Dupont-White, 1860.djvu/261

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sûrement qu’appartienne l’action de boire des liqueurs fermentées. Mais on me dira que vendre des boissons fermentées c’est commercer, et que commercer est un acte social.

Aussi se plaint-on d’un empiètement, non pas sur la liberté du vendeur, mais sur celle de l’acheteur et du consommateur, car l’État pourrait tout aussi bien lui défendre de boire du vin, que lui rendre impossible de s’en procurer. Cependant le secrétaire dit : « Je réclame comme citoyen le droit de faire une loi partout où l’acte social d’un autre empiète sur mes droits sociaux. » Voici maintenant la définition de ces droits sociaux. « Si quelque chose empiète sur mes droits sociaux, c’est à coup sûr le commerce des boissons fortes. Il détruit mon droit élémentaire de sécurité, en créant et en stimulant constamment des désordres sociaux. Il empiète sur mon droit d’égalité, en établissant des profits créateurs d’une misère pour le soutien de laquelle on me met à contribution. Il paralyse mon droit à un libre développement moral et intellectuel, en m’entourant de dangers et en affaiblissant et démoralisant la société, dont j’ai le droit de réclamer aide et secours. » Ce système des droits sociaux tel que jamais sans doute on ne l’avait distinctement formulé, se réduit à ceci : droit social absolu pour chaque individu d’exiger que tous les autres agissent en tout exactement comme ils le devraient : quiconque manque le moindrement à son devoir, viole mon