Page:Mill - La Liberté, trad Dupont-White, 1860.djvu/274

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sont pas obligés de demeurer spectateurs inactifs jusqu’à ce que le crime soit commis, mais ils peuvent intervenir et l’empêcher.

Si on n’achetait des poisons ou si on ne s’en servait jamais que pour empoisonner, il serait juste d’en défendre la fabrication et la vente. On peut cependant en avoir besoin pour des motifs non-seulement innocents mais utiles, et la loi ne peut imposer des restrictions dans un cas sans que l’autre s’en ressente. Encore une fois, c’est affaire d’autorité publique de prévenir des accidents. Si un officier public ou n’importe qui voyait une personne sur le point de traverser un pont qu’on sait n’être pas sûr et qu’il n’y eût pas le temps de l’avertir du danger qu’elle coure, on pourrait la saisir et la faire reculer de force, sans violation aucune de sa liberté : car la liberté consiste à faire ce qu’on désire, et cette personne ne désire pas tomber à la rivière. Néanmoins, quand il n’y a pas la certitude, mais seulement le risque du danger, la personne elle-même peut seule juger de la valeur du motif qui la pousse à courir ce risque. Dans ce cas, par conséquent (à moins que ce ne soit un enfant, ou que la personne n’ait le délire ou ne soit dans un état d’excitation ou de distraction incompatible avec l’usage complet de ses facultés), on devrait selon moi l’avertir seulement du danger et ne pas l’empêcher par la force de s’y exposer. De telles considérations appliquées à une