Page:Mill - La Liberté, trad Dupont-White, 1860.djvu/302

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entre les mains de l’État, et si tous les emplois du gouvernement étaient occupés par les hommes les plus capables, toute la culture d’esprit, toute l’intelligence exercée du pays (excepté la portion purement spéculative), serait concentrée en une bureaucratie nombreuse : de cette bureaucratie le reste de la communauté attendrait tout, la direction et l’impulsion pour les masses, l’avancement personnel pour les hommes intelligents et ambitieux. Être admis dans les rangs de cette bureaucratie, et une fois admis s’y élever, seraient les seuls objets d’ambition.

Sous ce régime, non-seulement le public extérieur n’est pas capable de critiquer ou de modérer le mode d’action de la bureaucratie, mais même si les accidents des institutions despotiques ou la marche naturelle des institutions populaires donnent au pays un chef ou des chefs portés aux réformes, il ne pourra s’en effectuer aucune qui soit contraire aux intérêts de la bureaucratie. Telle est la triste condition de l’empire russe, ainsi que le prouvent les récits de ceux qui ont pu l’observer. Le czar lui-même est sans pouvoir contre le corps bureaucratique ; il peut envoyer chacun de ses membres en Sibérie, mais il ne peut gouverner sans eux ni contre leur volonté. Ils peuvent mettre un veto tacite sur tous ses décrets, simplement en s’abstenant de les exécuter.