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ANTHOLOGIE DES HUMORISTES

M. Prudhomme. — Mon chapeau dans le filet ne vous incommode pas, mademoiselle ?

La jeune personne. — Non, monsieur.

L’homme aux moustaches. — Donnez-moi votre petit panier, mademoiselle ; je vais le mettre dans le filet.

La jeune personne. — Merci, monsieur.

M. Prudhomme. — C’est la première fois, sans doute, que mademoiselle voyage ?

La jeune personne. — Non, monsieur.

M. Prudhomme. — Je dis mademoiselle, je puis me tromper ; mais je suppose bien que vous n’êtes pas mariée.

La jeune personne. — Non, monsieur.

M. Prudhomme. — Plus nous nous éloignerons de Paris, plus la route deviendra agréable. Tenez, mademoiselle, croisons nos jambes… Bien… c’est cela. Ça fait que nous ne nous gênerons pas… Allongez… Allongez… ne craignez rien… c’est cela. — Monsieur est militaire ?

L’homme aux moustaches. — Oui, monsieur.

M. Prudhomme. — Je ne m’étais donc pas trompé ? Je suis assez physionomiste… Fantassin ou cavalier ? si toutefois, monsieur, il n’y a pas d’indiscrétion…

L’homme aux moustaches. — Non, monsieur.

M. Prudhomme. — Je vous en fais mon compliment… Ah ! dame ! quand, pendant trente années consécutives, un pays a envoyé des troupes dans les quatre coins de l’Europe, il n’est pas étonnant de se rencontrer avec des militaires. J’ai été réquisitionnaire, moi qui vous parle, monsieur, puis de la garde nationale dès sa première institution, sous M. de La Fayette. Je ne vous parle pas d’hier… Notre costume a subi depuis des modifications ; de très grandes modifications ont été apportées à notre