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JUSQU’AU SEUIL DE L’EXIL

des plaisirs, se plaisent encore à assister aux gais divertissements de la jeunesse. Elle annonçait un grand bal et le jeune officier n’y était pas invité ! Enfer et malédiction ! Désespoir et jalousie ! Lorsqu’au milieu des jeux, des ris, des danses folles. Les hommes, à l’envi, vers toi se presseront, Ton oreille entendra de bien douces paroles. Qui feront de plaisir rougir ton jeune front.

Alors songe parfois que, loin de cette fête. Loin de tout le bonheur que le monde promet. Il est un cœur aimant, une âme de poète, Qui te chante tout bas et t’adore en secret.

Il faudrait raconter les prodiges de diplomatie, les visites, les flatteries, les intrigues employées par le jeune sous-lieutenant pour se faire inviter chez la vieille dame qui s’amusait à faire languir le soupirant. Sa qualité d’excellent valseur lui ouvrit enfin les portes. Une page naïve du candide Bernardin de Saint-Pierre décrit dès réunions de jeunes filles qui ne sont pas sans analogie avec celles auxquelles était invité notre officier : — « … Il est d’usage que les demoiselles de la même société s’invitent tour à tour à des assemblées. Elles se rendent avec leur mère chez celle qui les a invitées. Celle-ci leur sert du café à la crème, avec toutes sortes de pâtisseries et de confitures faites de sa main. Tantôt elle déroule à leurs yeux, sur une grande pièce de tapisserie, à laquelle elle travaille jour et nuit, des forêts de saules toujours verts qu’elle a plantés elle-même, et des ruisseaux de moire qu’elle a fait couler avec son aiguille. Tantôt elle marie sa voix au son du clavecin, et semble réunir dans son appartement tous les oiseaux des bocages. Elle invite ses compagnes à chanter à leur tour. C’est alors que les éloges redoublent : leurs mères, comblées de joie, s’applaudissent en secret, comme Niobé, des louanges données à leurs filles. Quelques officiers en uniforme et en bottes, échappés furtivement de leurs exercices, viennent jouir parmi elles d’un instant de calme délicieux ; et pendant que chacune d’elles espère trouver dans l’un d’eux son protecteur et son ami, chacun deux soupire après la compagne qui doit adoucir un jour, par le charme des talents domestiques, la rigueur des travaux militaires. » 1


APRÈS LE BAL

Les flambeaux pâlissaient, et l’élégante foule,
Désertant les salons comme une eau qui s’écoule.
De la fin des plaisirs a donné le signal.
Et vous êtes partie, encore fraîche et rieuse,
Mais oubliant, hélas ! peut-être dédaigneuse,
Votre joli bouquet de bal.

Moi, je l’ai recueilli. D’une main attentive
Je l’ai mis rafraîchir dans une eau pure et vive.
Après l’avoir couvert d’un long baiser brûlant.
Et j’ai vu chaque fleur, sur sa tige flétrie.
Reprendre son éclat et renaître à la vie
Comme par un enchantement.

.......................
Ce bouquet dérobé, qu’il m’eût été plus doux
De l’obtenir d’un cœur touché de ma constance,
Comme un symbole heureux de joie et d’espérance
Que l’on reçoit à deux genoux !


Puis, quand les fleurs se sont fanées, le poète continue sur un ton plus grave :

Eh bien ! je t’aime ainsi, pâle et triste relique,
Quand je tourne vers toi mon œil mélancolique,
Il s’échappe un soupir de mon cœur oppressé ;
Une larme, parfois, vient mouiller ma paupière,
C’est que je songe alors à ta splendeur première,
À ton éclat trop tôt passé.