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jouissais du présent sans trop songer à l’avenir. Maintenant mon espoir ressemble à la flamme vacillante d’une lampe Iqui va s’éteindre.

Mardi. — Elles viendront demain à la distribution des prix du collège. — Je suis allé chez le colonel Bignon ; nous avons beaucoup parlé d’elle. Monsieur et Madame ne tarissent pas d’éloges sur son compte.

Mercredi 22. — J’ai accompagné madame Bignon à la distribution des prix, gardé des places pour madame de Tucé. Quand elles sont arrivées, j’étais placé derrière elles. Obligé de donner ma place à des dames ! Je ne voyais plus que son chapeau de paille.

À la sortie j’ai accompagné mademoiselle Louise pendant sa visite à l’exposition des dessins ; il y avait là des mines de plomb et des aquarelles fort bien.

Pendant le concert, madame Bignon m’avait invité à passer la soirée chez elle. Madame de Tucé et mademoiselle Louise sont venues. Je lui ai donné le bras pour descendre dans la salle à manger. Au dîner j’étais près d’elle ! On a fait un tour dans le jardin. Rentré de suite à cause du froid. — Je les ai accompagnées à dix heures et demie jusqu’à l’hôtel. Le hasard m’a bien favorisé aujourd’hui, mais hélas, tout ce bonheur ne fait que rendre plus amère sa perte. Elles partent décidément vendredi pour Le Mans.

Jeudi 23. — Elle part demain ! J’irai samedi à Montoire. Je verrai la maison vide.

Samedi 25. — En arrivant à Montoire, j’ai aperçu les fenêtres ouvertes. On n’était pas parti. Je suis entré chez madame de Tucé, sous prétexte de lui annoncer que la fête projetée n’aurait lieu que le dimanche. Elles le savaient.

Dimanche. — Dansé la première contredanse avec mademoiselle Louise pour vis-à-vis, et la seconde avec elle !… La soirée terminée, madame de Tucé m’a prié d’aller chercher le manteau de sa fille. Dans la joie mêlée de surprise que ces mots m’ont causée, je suis parti comme un fou, sans prendre, je crois, le temps de répondre. Le domestique courait après le cheval qui s’était échappé à travers les arbres en abandonnant la voiture. Les manteaux n’y étaient pas. Retourné dire cela à madame de Tucé. Puis je suis revenu en hâte auprès du domestique qui m’a montré le manteau et le schall sur un banc de pierre. Je les ai pris, on m’a remercié, et les voilà parties. Ma voiture de louage s’est trouvée derrière la leur pendant tout le trajet… Et ç’a été la fin de mon bonheur.


SON RETOUR


Je souffrais en silence,
Maudissant son absence
Si tardive à finir ;
Je la voyais en rêve.
Mais mon bonheur s’achève,
Elle va revenir.

Tout s’embellit, se dore,
S’anime et se colore
De ce rayon d’espoir.
Caché dans la verdure,
Le gai ruisseau murmure :
Tu vas bientôt la voir !…


Mon ami C… a dit à mademoiselle Ch… que j’étais très amoureux de mademoiselle de Tucé, que j’avais fait des vers pour elle, et qu’il les avait déjà mis en musique. Mademoiselle Ch… a dit que madame de Tucé tenait beaucoup au nom et à la fortune. Un nommé X… ayant vingt mille livres de rente, mais pas de de a été refusé. M. de B… également, lui n’était pas assez riche.

Cependant rien ne décourage le jeune officier.

Dimanche 2 décembre. — J’ai envoyé une lettre à madame de Marescot pour la prier de vouloir bien présenter ma demande en mariage.

Mardi 4. — C’est aujourd’hui ou demain que mon sort va se décider. Dois-je craindre ou espérer ?

Samedi 8. — Madame de Marescot m’envoie la réponse que lui a faite madame de Tucé :

« … J’ai besoin, madame, de parler à cœur ouvert avec vous qui avez toujours témoigné tant d’intérêt à ma fille. Je n’ai parlé ni à Louise, ni à son tuteur de la proposition que vous m’aviez déjà faite cet été, étant bien décidée à ne pas marier ma fille avant ses dix-huit ans accomplis. Car telle était l’intention de M. de Tucé… Vous savez aussi, madame, que ma fille appartient à une des plus anciennes famille du Maine, qui trouverait peu convenable que je fisse faire à Louise une alliance, où elle ne trouverait ni naissance ni titre. Je ne puis vous donner une réponse positive