Page:Milosz - Poèmes, 1929.djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans ces déserts où jamais Oui n’a résonné.

Dis-nous comment des pieds à la tête, le corps

Devient pensée, dans ces pays plus insensibles que la lèpre.

Quel cri des ténèbres imparfaites

D’ici contient le nom de cette nuit totale

Vide des deux soleils ?

Parle. Que t’advint-il dans cet infini autre

Vu comme par des yeux de race disparue ?

autre. N’est-ce point là l’unique mot ?

autre. Non pas seulement différent,

N’est-il pas vrai, mais autre,

Et défendu, fermé, — mais ne veux-tu pas dire :

Même à la toute-puissance d’ici ?

Dans cet infini autre

Où celui-là qui nous contient est inconnu,

Où l’espace est la nuit au dedans de la pierre.


L’HOMME

Je me séparai d’elle — qui, par l’œuvre de mainte année

Était devenue mon enfant, dans ce long corridor d’hôtel,

Et maintenant — quel froid coupe mon âme en deux ! —

J’étais seul dans ma chambre allemande et je savais

Que de l’autre côté du mur, cette chose dormait

Pour la dernière fois à trois pas de ma vie

Et que, sans me revoir, au petit jour

Elle s’en irait — si enfant, si enfant

Vers la vaste, froide, vide vie.

(Silence.)

En moi, l’obéissance envers moi-même

Était plus forte que tout

(Silence.)