Page:Milton - Le Paradis perdu, trad. Chateaubriand (C. Lévy 1882).djvu/357

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d’un fleuve glisse sur un marais et envahit rapidement le sol sur les talons du laboureur qui retourne à sa chaumière. De front ils s’avançaient ; devant eux le glaive brandissant du Seigneur flamboyait furieux, comme une comète : la chaleur torride de ce glaive et sa vapeur, telle que l’air brûlé de la Libye, commençaient à dessécher le climat tempéré du Paradis ; quand l’Ange, hâtant nos languissants parents, les prit par la main, les conduisit droit à la porte orientale ; de là aussi vite jusqu’au bas du rocher, dans la plaine inférieure, et disparut.

Ils regardèrent derrière eux, et virent toute la partie orientale du paradis, naguère leur heureux séjour, ondulée par le brandon flambant : la porte était obstruée de figures redoutables et d’armes ardentes.

Adam et Ève laissèrent tomber quelques naturelles larmes qu’ils essuyèrent vite. Le monde entier était devant eux pour y choisir le lieu de leur repos, et la Providence était leur guide. Main en main, à pas incertains et lents, ils prirent à travers Éden leur chemin solitaire.