Page:Milton - Le Paradis perdu, trad. de Chateaubriand, Renault et Cie, 1861.djvu/42

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des fils du ciel. Là, ne fût-ce que pour découvrir, se fera peut-être notre première irruption ; là où ailleurs : car ce puits infernal ne retiendra jamais des esprits célestes en captivité, ni l’abîme ne les couvrira longtemps de ses ténèbres. Mais ces projets doivent être mûris en plein conseil. Plus d’espoir de paix, car qui songerait à la soumission ? Guerre donc ! guerre ouverte ou cachée, doit être résolue. »

Il dit ; et pour approuver ses paroles, volèrent en l’air des millions d’épées flamboyantes, tirées de dessus la cuisse des puissants chérubins ; la lueur subite au loin à l’entour illumine l’enfer : les démons poussent des cris de rage contre le Très-Haut, et furieux, avec leurs armes saisies, ils sonnent sur leurs boucliers retentissants le glas de la guerre, hurlant un défi à la voûte du Ciel.

À peu de distance s’élevait une colline dont le sommet terrible rendait, par intervalles du feu et une roulante fumée ; le reste entier brillait d’une croûte lustrée ; indubitable signe que dans les entrailles de cette colline était cachée une substance métallique, œuvre du soufre. Là sur les ailes de la vitesse, une nombreuse brigade se hâte, de même que des bandes de pionniers armés de pics et de bêches devancent le camp royal pour se retrancher en plaine, ou élever un rempart. Mammon les conduit ; Mammon, le moins élevé des esprits tombés du ciel, car dans le ciel même ses regards et ses pensées étaient toujours dirigés en bas ; admirant plus la richesse du pavé du ciel où les pas foulent l’or, que toute chose divine ou sacrée dont on jouit dans la vision béatifique. Par lui d’abord, les hommes aussi, et par ses suggestions enseignées, saccagèrent le centre de la terre, et avec des mains impies pillèrent les entrailles de leur mère, pour des trésors qu’il vaudrait mieux cacher. Bientôt la bande de Mammon eut ouvert une large blessure dans la montagne, et extrait de ses flancs des côtes d’or. Personne ne doit s’étonner si les richesses croissent dans l’Enfer ; ce sol est le plus convenable au précieux poison. Et ici que ceux qui se vantent des choses mortelles et qui s’en émerveillant disent Babel et les ou-