Page:Milton - Le Paradis perdu, trad. de Chateaubriand, Renault et Cie, 1861.djvu/86

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toutes les choses vaines et transitoires, lorsque le péché eut rempli de vanité les œuvres des hommes.

Là volèrent à la fois et les choses vaines et ceux qui sur les choses vaines bâtissent leurs confiantes espérances de gloire, de renommée durable, ou de bonheur dans cette vie ou dans l’autre ; tous ceux qui sur la terre ont leur récompense, fruit d’une pénible superstition ou d’un zèle aveugle, ne cherchant rien que les louanges des hommes, trouvent ici une rétribution convenable, vide comme leurs actions. Tous les ouvrages imparfaits des mains de la nature, les ouvrages avortés, monstrueux, bizarrement mélangés, après s’être dissous sur la terre, fuient ici, errent ici vainement jusqu’à la dissolution finale. Ils ne vont pas dans la lune voisine, comme quelques-uns l’ont rêvé : les habitants de ces champs d’argent sont plus vraisemblablement des saints transportés ou des esprits tenant le milieu entre l’ange et l’homme.

Ici arrivèrent d’abord de l’ancien monde, les enfants des fils et des filles mal assortis, ces géants, avec leurs vains exploits, quoique alors renommés : après eux arrivèrent les bâtisseurs de Babel dans la plaine de Sennaar, lesquels, toujours remplis de leur vain projet, bâtiraient encore s’ils savaient avec quoi, de nouvelles Babels. D’autres vinrent un à un : celui qui pour être regardé comme un dieu, sauta de gaieté de cœur dans les flammes de l’Etna, Empédocles ; celui qui pour jouir de l’Élysée de Platon, se jeta dans la mer, Cléombrote. Il serait trop long de dire les autres, les embryons, les idiots, les ermites, les moines blancs, noirs, gris, avec toutes leurs tromperies. Ici rôdent les pèlerins qui allèrent si loin chercher mort sur le Golgotha, celui qui vit dans le ciel ; ici se retrouvent les hommes qui, pour être sûrs du paradis, mettent en mourant la robe d’un dominicain ou d’un franciscain, et s’imaginent entrer ainsi déguisés. Ils passent les sept planètes ; ils passent les étoiles fixes, et cette sphère cristalline dont le balancement produit la trépidation dont on a tant parlé, et ils passent ce ciel qui le premier fut mis en mouvement. Déjà saint Pierre, au guichet du ciel,