Page:Mink - Le Travail des femmes, 1868.pdf/12

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Que deviendra donc la femme au milieu de ce concert de travailleurs, si elle seule regarde et jouit sans avoir coopéré dans la mesure de ses forces au bien-être général ?

Le mari lui fournissant tout, et sachant qu’elle ne pourra rien sans lui, puisque le travail lui sera interdit, — toujours dans la société régénérée, — le mari, dis-je, profitera de son pouvoir presque discrétionnaire pour la maîtriser à sa guise ; elle sera inférieure à lui par le point vivace et constitutif des sociétés nouvelles, et elle retombera fatalement sous sa dépendance et sa domination. Tous les efforts tentés pour son affranchissement deviendront vains, et il lui faudra, pauvre esclave ! recommencer à monter le rocher de Sisyphe qu’elle avait cru déjà bien près du sommet, et qui sera alors de tout son poids retombé sur elle en l’écrasant !

Oh ! je comprends très bien quel sentiment vous porte à vouloir interdire le travail aux femmes, il est fort noble et très louable en théorie. On vous a tant et si longtemps enlevé vos femmes et vos filles, que vous voulez les garder quand même auprès de vous. Mais n’exagérons jamais rien, c’est l’unique moyen de toujours rester dans le vrai.

Les épouses, les mères ne doivent pas travailler, dites-vous, c’est fort bien, mais les autres ? Toutes ne sont pas épouses et mères ; certaines ne le peuvent ni ne le veulent être, quelques unes ne le sont pas encore, d’autres enfin ne le sont plus.

Il ne faut pas sacrifier un grand nombre de femmes à une forme de la vie sociale, fort répandue, je l’avoue, mais enfin qui n’est pas complètement universelle.