trouve quelquefois dans le corps de garde ; je convins de deux louis pour la soirée : nous fîmes un assez bon repas, on nous servit plat à plat, et nous faisions un entr’acte sur le fauteuil à chaque mets qu’on nous enlevait, et en quatre heures et demie nous avions mangé neuf plats, et aucun entr’acte n’avait manqué ; aussi la généreuse fille voulait-elle me rendre mon argent.
L’évêque s’écria :
— Voilà le désintéressement le plus marqué, ou le triomphe du tempérament sur l’avarice ; il contraste merveilleusement avec le désespoir de la vieille Sara.
— La grosse marchande de plaisir ? dit Valbouillant.
— Précisément.
L’approche de sa main allait me rendre ma gloire, quand la cloche du dîner nous rappela dans la salle à manger. Le repas fut gai, l’évêque y établit une table mécanique comme celle que Louis XV, de lubrique mémoire, avait fait faire à Choisy, pour éloigner des yeux des domestiques le cynisme de ses orgies ; au dessert, sur l’avis de l’évêque, renonçant aux pompes humaines, nous quittâmes tous les ornements de luxe, et nous achevâmes le repas en peau, de la manière que Ravennes nous dit qu’il s’en faisait chez le régent.
Ici se trouve une lacune très longue dans le manuscrit de cette édifiante et véridique histoire ; si nous pouvons la combler, nous nous hâterons d’en faire part au public.