tante était sortie, dès que j’avais fini l’ourlet qu’elle m’avait donné à faire, — car j’apprenais aussi la couture, — je courais dans le jardin pour m’amuser avec les enfants du jardinier. Marcel, l’aîné, était un petit polisson d’environ quinze ans, au teint animé, aux yeux vifs, aux reins souples et à l’épaule large. La gouvernante du curé, veuve du sonneur, femme entre quarante et cinquante ans, avait pris soin de l’instruire et s’était fait payer ses leçons. Mais je parus, et mes appas naissants piquèrent sa curiosité plus que les charmes surannés de son institutrice ; il cherchait impatiemment l’occasion de me faire part des connaissances qu’il avait acquises et je volais au-devant de l’instruction. Un soir que je me promenais dans le jardin où il plantait une planche d’escarole, je l’observais fourrant dans les trous qu’il avait faits avec le plantoir les racines des légumes qu’il venait d’arracher. Je lui fis quelques questions, il y satisfit avec la simplicité de son âge et de son éducation ; puis me regardant avec feu, quoique les yeux à demi baissés :
« J’ai, dit-il, un autre plantoir, qui vaut bien mieux. »
« Eh bien, voyons, comment t’en sers-tu ? »
« Oh ! ce n’est pas en pleine terre, c’est dans les serres chaudes qu’on en fait usage. »
« Eh bien ! nous sommes tout auprès, voyons. »
« Volontiers, dit-il, suivez-moi. »
» L’ardeur de m’instruire m’y fit consentir. Y étant entrée :
« Voyons ton plantoir ? »