t’obligera sans cesse d’aplanir le sillon qu’il
tâchera de se tracer dans ton imagination.
Représente-toi deux êtres opposés par leur
humeur, mais unis intimement par un pouvoir
ridicule, que des convenances d’état ou
de fortune, que des circonstances qui promettaient
en apparence le bonheur ont déterminés
ou subjugués par son enchantement
momentané, dont l’illusion se dissipe à
mesure que l’un des deux laisse tomber le
masque dont il couvrait son caractère naturel :
conçois combien il seraient heureux d’être
séparés. Quel avantage pour eux s’il était
possible de rompre une chaîne qui fait leur
tourment et imprime sur leurs jours les chagrins
les plus cuisants, pour se réunir à des
caractères qui sympathisent avec eux ! Car, ne
t’y trompe pas, ma Laurette, telle humeur qui
ne convient pas à tel individu s’allie très
bien avec un autre, et l’on voit régner entre
eux la meilleure intelligence, par l’analogie
de leurs goûts et de leur génie ; en un mot,
c’est un certain rapport d’idées, de sentiments,
d’humeur et de caractère qui fait
l’aménité et la douceur des unions ; tandis que
l’opposition qui se trouve entre deux personnes,
augmentée par l’impossibilité de se
séparer, fait le malheur et aggrave le supplice
de ces êtres enchaînés contre leur gré ?
— Quel tableau ! quelles images ? Cher papa, tu me dégoûtes d’avance du mariage. Est-ce là ton but ?