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LE RIDEAU LEVÉ


mes mains les témoignages sensibles, l’engageaient à m’en solliciter : je résistai toujours ; tes prières, ses sollicitations, le feu même qui roulait dans mes veines, ne purent m’y déterminer. Non, ma chère Eugénie, non, en vain espère-tu de lui faire remporter la victoire, je n’y consentirai jamais ; à tort me fais-tu des reproches, ce n’est ni par haine, ni même par indifférence : Valsay détruit l’une et n’est point fait pour inspirer l’autre ; mais ton amitié seule me suffit. Après la perte que j’ai faite, je renonce pour toujours à toute liaison intime avec les hommes, et je serai ferme dans cette résolution. Tu dois en être persuadée, puisque malgré vos plaisirs, les caresses que vous vous faisiez, celles que j’ai reçues, la vue et le toucher de ce que vous avez de plus intéressant, et vos transports, qui animaient mes sens et les mettaient en désordre, je ne me suis pas laissé vaincre. J’étais contente et satisfaite lorsque la nuit, dans tes bras, tu apaisais les feux que tu avais allumés le jour.

Un destin jaloux de la tranquillité que j’avais retrouvée est venu l’interrompre : le mariage de ma cousine, la nécessité de mes affaires ont précipité mon départ, et nous ont séparées pour quelque temps. Tu as exigé de mon amitié, tu lui as commandé que pendant mon éloignement je t’entretinsse encore et te fisse un détail exact de ce que je t’avais dit en plus grande partie, et que tu