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LE RIDEAU LEVÉ


cet habillement secret que j’avais si souvent maudit, mais la langueur de Lucette, de quelque cause qu’elle pût venir, ajoutant du poids aux réflexions qu’il avait déjà faites et aux nouvelles dont il me faisait part, le détermina à me ménager avec plus d’attention qu’il n’en avait mise à son égard, en me faisant sentir combien cela était nécessaire à ma constitution délicate. Je me rendais à ses raisons avec d’autant plus de facilité, que j’avais en lui la foi la plus complète. Comme il s’éloignait peu de moi, et que je couchais toujours avec lui, il me veillait et m’arrêtait souvent lorsque je cédais à mes désirs avec trop d’ardeur.

Depuis le départ de Lucette, il avait fait plusieurs changements dans son appartement : on ne pouvait plus entrer dans ma chambre qu’en passant par la sienne ; il avait répandu dans son domestique un air de sévérité, sur ce sujet, qui nous faisait quelquefois rire ensemble. Nos lits étaient appuyés contre le même mur, qu’il avait fait percer, et dans les doubles cloisons qui couvraient le fond de nos alcôves, il avait fait pratiquer des panneaux à coulisses qui s’ouvraient par un ressort que nous seuls connaissions. Il faisait emporter tous les soirs la clef de ma chambre par une femme qu’il avait prise à la place de Lucette et que nous tenions tout à fait dans le rang de domestique ; mais, quand nous étions dégagés de tout incom-