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KADHÉSCH

subit qui empêcha ces libertins de se reconnaître les uns des autres.

Cet état ne dura pas longtemps, car en douze heures de temps tout fut consumé par la pluie de soufre, au point que Loth et ses filles, retirés dans un antre, crurent que le monde venait de périr par le feu, comme il avait, lors du déluge, péri par l’eau ; et la crainte de ne plus avoir de postérité détermina ces filles, qui ne comptaient apparemment pas sur les fruits de leur prostitution récente, à en tirer au plus vite de leur père. L’aînée se dévoua la première à ce pieux office ; elle se coucha sur le bonhomme Loth, qu’elle avait enivré, lui épargna toute la peine de ce sacrifice offert à l’amour de l’humanité, et le consomma sans qu’il s’en aperçût[1]. La nuit suivante, sa sœur en fit autant ; et le bon Loth, qui paraît avoir été facile à tromper et dur à réveiller, réussit si bien dans ces actes involontaires, que ses filles mirent au monde, neuf mois après cette aventure, deux garçons, Moab, chef de la nation des Moabites[2], et Aminon, chef des Ammonites.

On sait, indépendamment du témoignage formel de saint Paul[3], que les Romains portèrent très-loin cet excès de la pédérastie ; mais ce que ce grand apôtre dit de remarquable, c’est que les femmes préféraient de beaucoup le plaisir contre nature à celui qu’elle provoque : « Et fœminæ eorum immutaverunt natu-

  1. Gen., XIX, 33 : « Dormivit cum patre : at ille non sensit nec quando accubuit filia, nec quando surrexit. »
  2. Moab fut le fils de la première ; Aminon naquit de la seconde.
  3. Saint Paul aux Romains, chap. I, 27 : « Masculi, relicto naturali usu fœminæ, exarserunt in desideriis suis in invicem, masculi in masculos turpitudinem operantes, et mercedem, quam oportuit, erroris sui, in semetipsis recipientes. »