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LA LINGUANMANIE



Si l’on réduisait toutes les passions de l’homme à ses affections primitives, tous ses idiomes à l’expression de ses pensées-mères, si je puis parler ainsi, en dépouillant celles-là de toutes les nuances dont il les a défigurées, et ceux-ci de toutes les acceptions dont il a surchargé leurs signes, les dictionnaires seraient moins volumineux et les sociétés moins corrompues.

Par exemple, combien l’imagination n’a-t-elle pas brodé en amour le canevas de la nature ? Si ses efforts se fussent bornés à l’embellir des illusions morales les plus touchantes, nous devrions nous en applaudir. Mais il y a beaucoup plus d’imaginations déréglées que d’imaginations sensibles ; et voilà pourquoi il y a plus de libertinage que de tendresse parmi les hommes ; voilà pourquoi il faut maintenant une foule d’épithètes pour retracer toutes les nuances d’un sentiment, qui, tiède ou exalté, vicieux ou héroïque, généreux ou coupable, n’est après tout et ne sera jamais que le penchant plus ou moins vif d’un sexe vers l’autre. L’impudicité, la lubricité, la lasciveté, le libertinage, la mélancolie érotique, sont des qualités très-distinctes, et ne sont cependant que