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LA THALABA

qui donnaient les plus somptueux ; leurs noms ètaient prononcés avec éloge dans les jeux publics et dans les assemblées de religion.

S’il se trouvait, parmi ces Apicius grecs, quelque homme d’imagination qui inventât un raffinement de bonne chère, on lui donnait, pendant une année entière, le privilège exclusif de son secret ; et dans la grammaire des Sybarites, cela s’appelait encourager l’industrie.

Un magistrat sybarite ne représentait qu’à table : c’est par le nombre des festins qu’il donnait, que la patrie jugeait de ses services. Il y avait tel de ces festins d’apparat où l’on invitait les femmes un an d’avance, afin qu’elles eussent le temps de se préparer, à y paraître avec tout l’éclat de leur parure[1].

On peut juger du nombre effrayant d’esclaves de luxe que Sybaris renfermait dans son enceinte, par une anecdote sur Smyndiride, que l’histoire nous a conservée. Lorsque Clisthène, le tyran de Sycione, annonça qu’il cherchait un époux à sa fille Agariste, une des beautés de la Grèce, parmi la foule des prétendants qui se présentèrent, on distingua surtout Smyndiride. Ce héros de Sybaris se rendit à la cour de Clisthène avec mille cuisiniers, mille pêcheurs et mille oiseleurs. Un pareil cortège suffisait pour avoir toutes les beautés de Sybaris ; mais Smyndiride ne put obtenir celle de Sycione.

Sybaris, qui ne cite dans ses annales ni guerriers, ni hommes d’État, ni philosophes, se glorifiait beaucoup d’avoir donné naissance à Smyndiride. C’est lui qui passa une nuit sans dormir, parce que, parmi les feuilles de

  1. Selon Montesquieu, les femmes des Sybarites, sans modestie, sans pudeur, comme sans délicatesse, se livraient au lieu de se rendre ; chaque jour voyait finir les désirs et les espérances de chaque jour ; on ne savait ce que c’est que d’aimer et d’être aimé ; on n’était occupé que de ce qu’on appelle si faussement jouir. (Voyez son Temple de Gnide, 4e chant.)