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NOTES SUR

cette théorie sur l’incorporéité de l’âme est fausse et inintelligible. Mais les notions que la révélation et l’autorité infaillible de l’Église ont transmises aux saints Pères, sont-elles, sur ce dogme, supérieures à celles que possédaient les anciens philosophes ? Voyons.

Tertullien prétend, d’après saint Jérôme[1], que les âmes s’engendrent de celles de nos parents, comme les corps viennent des corps, se transmettant ensemble avec la semence, et le saint pape Léon confirme cette opinion lorsqu’il dit que l’ouvrier-Dieu[2], ab opifice Deo, qui est l’auteur des âmes, les unit aux corps[3]. Origène soutient qu’elles ont été créées longtemps avant les corps, et croit qu’elles n’y existent point avant d’y être soufflées par Dieu. Saint Thomas cependant paraît n’être point de cet avis et assure positivement que c’est une hérésie de croire que l’âme sensitive se transmettrait avec la semence[4]. D’accord avec la plupart des Saints Pères qui affirment pour certain que l’âme de l’homme est un esprit incorporel, saint Augustin, dans son livre des Hérésies[5], réfute, sans convaincre, l’erreur de son confrère Tertullien qui assure que l’âme est corporelle. Mais comment concilier ce mélange bizarre d’opinions si opposées avec ce qu’en disent le Pentateuque et l’Ecclésiaste, qui supposent de la raison aux animaux, puisque, d’après ces livres, ils peuvent mériter et démériter ? N’est-ce pas assimiler les âmes des

  1. In Epist. ad Marcellinum et Anapsychiam.
  2. Plus d’une fois, Dieu paraît dans la Bible sous la forme d’un maître ouvrier. Un jour, il demanda au prophète Amos : Quid tu vides ? Que voyez-vous ? — Et Amos de lui répondre : Seigneur, je vous vois sur une muraille, une truelle à la main. — Je ne me servirai plus d’une truelle avec mon peuple, lui répliqua l’ancien ; je ne récrépirai plus les murailles d’Israël. « Et ecce ponam trullam in medio populi mei Israël : non adjiciam ultra super inducere eum. » (Am., cap. VII, v. 7, 8.)
  3. Epist. XCIII ad Turibium, cap. 10.
  4. Quœst. CXVII, cap. 2.
  5. Heresi 86, et lib. X de Gentilit., ad cap. XXIV et seq.