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XLV

En vérité — le sens-tu ? — ce qui nous divise
— et c’est là ma grande mélancolie —
ce qui nous divise ne saurait s’exprimer
par des paroles sonnantes et précises.
Et pourtant — oh ! la syllabe évasive,
l’écho diminué d’un écho ! —
ce qui nous divise bruit en sourdine
comme une barque falote glissant sur l’eau…

Ce qui nous divise — oh ! l’ombre d’une ombre,
le fantôme inquiet d’un fantôme ! —
aux heures troubles de l’aube ou du soir,
quand les nuances, quand les voix s’estompent,
ce qui nous divise rôde pourtant, rôde…
Et nous nous regardons un peu de biais,
et ta main quitte ma main plus chaude,
et je sens que tu sens — et tu sais que je sais…

Ce qui nous divise — oh ! le souffle d’un souffle, à peine ! —
ce qui nous divise obscurément
me glace pourtant et jusqu’à l’âme même.
Et c’est comme la froide et fade haleine