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XXII

(Alger, Février 1914).

Ma sœur, je ne vous connais pas,
vous que mes yeux devinent là-bas
dans la demeure fraîche aux portes si bien closes.
… Ma sœur d’Alger, ma sœur, vos yeux noirs
ne furent jamais le double miroir
que de très peu — oh ! de très peu de choses :
ce pan du ciel… ce jardin plein de roses…

Et moi je songe à vous, à vos soucis légers
qui n’iront jamais, jamais voyager
plus loin, par-delà cette Alger
dont la mer vient baigner le luxe et la molle indolence ;
car des coutumes tissent autour de vous
comme un minutieux réseau jaloux
de menus soins, de vigilance,
et de soumission, et d’ombre, et de silence !

Et vous, ma sœur qui ne m’êtes rien,
vous ignorez aussi pourquoi je passe,
ce soir, avec une âme avide et lasse…
Vous ne connaissez rien des séculaires lois
qui glissent une autre note dans ma voix,