dis donc un mot… mets-toi en colère… que j’entende ta voix !… Rien ! Rien !…
Alors, elle marchait dans la petite pièce, bousculant les meubles :
— Non… non… ça n’est pas possible de s’ennuyer comme ça !… Je m’ennuie… je m’ennuie… je m’ennuie !… Et je sens qu’à force de m’ennuyer, tu me feras commettre un crime.
Et elle retombait, accablée, sur sa chaise.
Moi, sans remuer ni mes bras, ni mes jambes, ni mes yeux toujours fixés au plafond, je répondais, parfois, d’une voix lente :
— Vous vous ennuyez, Rosalie ?… C’est de votre faute, et non de la mienne. Je n’y puis rien… Moi, je ne m’ennuie jamais, parce que je porte le monde en moi… parce que j’ai tout en moi !… Vous, vous n’avez rien en vous… que vous-même… Il n’est pas étonnant que vous vous ennuyiez !… Mais faites comme je fais… Remontez les siècles et bousculez l’histoire… Appelez à vous l’amour, le rêve, la beauté, le bonheur… Et vous ne vous ennuierez plus !…
Dans ces moments-là, ses contours effacés devenaient durs… elle avait, au coin de la bouche, aux pommettes, sous les paupières, des accents crispés, des angles vifs, des coups de crayon noirs ; et sa peau grise se tachait de plaques rougeâtres… Elle ne disait plus rien, parce qu’elle avait trop de choses à dire, parce que les mots soulevaient sa poitrine plate,