Accroupie au milieu du lazaret, la bonne femme les prenait une à une, les tâtait, les auscultait, leur nettoyait la gorge au moyen de longs pinceaux trempés dans des huiles antiseptiques… Puis, elle leur introduisait de force, dans le gosier, des boulettes de viande poudrées de quinquina. Et c’étaient des luttes, des cris, des battements d’ailes, un supplice enfin, pour les petites malades. Aussi, lorsqu’elles voyaient arriver de loin leur maîtresse, avec son tablier blanc, et sa pharmacie, et son panier de torture, elles se mettaient à glousser de terreur, à sautiller sur leurs pattes, et elles cherchaient à fuir…
Or, une fois que j’étais chez la bonne femme et que je l’accompagnais au lazaret, voici ce que je vis… Oui, en vérité, voici ce que je vis…
Aussitôt qu’elles nous eurent aperçus, la vieille et moi, traversant les pelouses et piquant vers le lazaret, trois poules survinrent clopin-clopant, se ranger devant leurs augettes remplies de millet, et, avec des mines ostentatoires et sournoises, avec des mouvements extraordinairement précipités, elles firent semblant de manger, avidement… Vous avez bien lu, n’est-ce pas ?… Elles ne mangèrent pas : elles firent semblant de manger. Et le plus étonnant, c’est que, entre chaque coup de bec dans l’augette, elles nous regardaient d’un œil malicieux, et elles paraissaient nous dire :