grâce, l’espèce de petit parfum que nous avait apportés la présence du lamentable professeur, tout cela avait disparu… À peine si j’avais la curiosité de regarder dans la rue où c’étaient, sans cesse, les mêmes visages, les mêmes choses, les mêmes bêtes qui passaient, avec des habitudes chaque jour pareilles et des mouvements qui, jamais, ne se renouvelaient !… Les petites villes ont, même sur les bêtes, des influences déplorables et des contagions d’abrutissement… Quand j’avais des loisirs et des livres, je lisais ; c’était là mon unique récréation. Mais j’ai déjà dit que je n’avais pas souvent de livres !
J’en arrivai très vite, et presque sans souffrir, à m’abstraire de toutes choses ambiantes, même des événements quotidiens de la maison, même de mon père, de ma mère, de la vieille femme de ménage, des clients, qui n’étaient plus pour moi que de vagues ombres, projetées sur le carreau de la boutique, ou glissant sur les murs. La conversation de mes parents, le soir, leurs querelles, aiguës et glapissantes, leurs plaintes, leurs conseils et leurs reproches, tout cela n’avait pas plus d’importance dans ma vie muette et fermée aux bruits extérieurs, que le bourdonnement des mouches, dans l’arrière-boutique où je travaillais, ou que le vent soufflant du dehors, sur les toits de la ville !… Et encore, il m’arrivait, parfois, d’écouter le vent… Il avait des musiques que j’aimais…