Page:Mirbeau - Chez l’Illustre écrivain, 1919.djvu/24

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plein… plus hardi, et ça évoque davantage. J’ai vu cela, l’autre jour, dans une revue belge… C’est très bien !

L’illustre Écrivain. — « La table splendissait… »… Ça n’est pas mal, en effet… « La table splendissait… » On dirait un hémistiche à la Heredia… « La table splendissait… » Oui, mais je ne peux pas… L’Académie condamne cette expression… Cela me ferait du tort !…

Le Valet de chambre. — Monsieur croit-il ?… L’Académie est comme ces vieilles femmes qui font les sucrées et qui aiment qu’on les viole !… À la place de Monsieur, je n’hésiterais pas !

L’illustre Écrivain. — Non !… non !… Voyons !… « La table… » N’écris pas, je cherche… « la table, avec ses cristaux taillés et ses argenteries anciennes, éblouissait… »

Le Valet de chambre. — Heu ?…

L’illustre Écrivain. — Aveuglait…

Le Valet de chambre. — Ho !… Ho !…

L’illustre Écrivain. — Ce n’est pas ça, hein ?…

Le Valet de chambre. — C’est pauvre !… Monsieur voudrait-il de ceci… « Avec ses cristaux à facettes et ses très anciennes argenteries, la table était un éblouissement… »

L’illustre Écrivain. — Répète !

Le Valet de chambre. — « … Avec ses cristaux à facettes… et ses très anciennes argenteries, la table était un éblouissement… »