assis devant moi, c’est-à-dire, dans sa fonction sociale ; je le voyais dans sa fonction humaine, c’est-à-dire au petit café où il devait, tous les jours, enluminer sa trogne et vernir ses joues et perdre, de plus en plus, dans la joie de boire, dans le rêve charmant d’être saoul, la cruauté de son métier… Et je l’aimais véritablement d’être un ivrogne, car les ivrognes sont de braves gens, et, toujours, d’admirables poètes.
Tout à coup, le commissaire me demanda :
— Allons, voyons, dites-moi pourquoi vous avez tué cette vieille femme ?
Je n’avais pas bien compris cette question, qu’il m’avait posée d’une voix soufflante et brouillée. Je dis machinalement :
— Je voulais en avoir le cœur net.
Le commissaire s’ébroua comme un cheval.
— Comment, le cœur net ? fit-il. Le cœur net de quoi ? Vous vouliez la violer ?…
— Oh ! monsieur le commissaire…
— Enfin, expliquez-vous !… Quoi ? Qu’est-ce que vous entendez par votre cœur net ?
Et, sans me donner le temps de répondre, brusquement :
— Comment vous appelez-vous ?
Je me nommai.
— Et qu’est-ce que vous faites ici ?
Je le lui dis.
— Quel âge avez-vous ?
— Vingt ans !