Page:Mirbeau - Chez l’Illustre écrivain, 1919.djvu/26

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cette plaisanterie au sérieux… Monsieur est à pouffer !… Monsieur est à se tordre !

L’illustre Écrivain, sévère. — Tu sais, Joseph, je n’aime pas ces blagues-là !… C’est idiot !…

Le Valet de chambre. — Que Monsieur ne se fâche pas !… Que Monsieur veuille bien m’écouter !… J’ai, je crois, une phrase épatante… ébouriffante !… Que Monsieur juge !… « … De mauves orchidées enroulaient l’énigme perverse et le troublant péché de leurs fleurs !… » Ah ! Monsieur est-il content ?… Monsieur est épaté !…

L’illustre Écrivain, admiratif. — Est-il doué, cet animal-là !… « … Et le troublant péché de leurs fleurs !… » Il n’y a pas à dire !… c’est admirable !… « L’énigme perverse et le troublant péché de leurs fleurs… » Ce n’est rien, c’est simple… Et penser que, depuis trois ans je cherche ça !… « Et le troublant péché de leurs fleurs !… » En deux mots… c’est toute l’orchidée… et c’est toute la femme !… et c’est tout le mystère de l’amour ! Quel tempérament d’écrivain !… Mais comment sais-tu, toi, un simple domestique ?

Le Valet de chambre, ironique et modeste. — Je suis l’élève de Monsieur.

L’illustre Écrivain. — Je te demande comment ces choses-là te viennent à l’esprit ?…

Le Valet de chambre. — Mon Dieu !… L’autre jour, au déjeuner, Monsieur regardait une orchidée… et Monsieur disait : « Est-ce assez