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Page:Mirbeau - Interview, paru dans l’Écho de Paris, 27 octobre 1890.djvu/9

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L’illustre écrivain (négligemment)

Oui ! c’est ma boîte à mouchoirs !… Elle a été brodée, pour moi, par des femmes du monde.

Le reporter (vivement)

Peut-on savoir les noms ?…

L’illustre écrivain

Oh ! ça, non ! D’ailleurs, tout le monde les connaît à Paris… On raconte là-dessus des histoires… Vous savez, on exagère beaucoup… Il n’y a pas le quart de ce qu’on dit !… On ne peut être vu en compagnie d’une femme jolie et connue, sans qu’aussitôt… c’est dégoûtant !… On exagère, je vous assure, on exagère souvent.

Le reporter (s’enhardissant)

Ah ! dame, mon cher maître, vous connaissez le proverbe… On ne prête qu’aux riches !…

L’illustre écrivain

Sans doute !… Mais cela ne regarde personne !… Et s’il plaît à la princesse de… à la duchesse… à la marquise de… de venir chez moi… cela ne regarde personne… D’ailleurs, ce sont des amies, rien que des amies… Il n’y a pas ça entre nous, pas ça !…

Le reporter (sceptique et enthousiaste)

Il est bien certain que ça ne regarde personne… Aussi ne pourrait-on pas, mon cher maître, adroitement, sans citer de noms, ne pourrait-on pas démentir, par d’habiles allusions… Enfin, vous savez, je suis à votre disposition.