Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/118

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— Eh bien ! viens y donc ! dit-il. Et tu sais, pas avec les mains… avec les dents, nom de Dieu !

Le Père Pamphile s’ébranla, mais tout son corps frissonnait ; une faiblesse ployait ses jarrets, amollissait ses bras. Il avançait lentement, avec des balancements d’ours.

— Allons, viens-tu ! grommela Lebreton, qui s’impatientait… Je m’enrhume.

Deux fois, il tomba, et deux fois il se releva. Enfin, il se raidit dans un dernier effort, colla sa face contre le derrière de l’homme, et, fouillant, de son nez, les fesses qui se contractaient, il happa la pièce d’un coup de dent.

— Bougre de saligaud ! hurla Lebreton qui se retourna et vit l’or briller sur les lèvres du moine… Eh bien ! mâtin… il faut que toutes y passent ! il faut que j’en claque, ou que tu en claques !… Allons, à ta place !

Dix fois, le Père Pamphile subit ce hideux supplice. Ce fut l’ancien boucher, qui, le premier, y mit un terme. Il se releva, la figure très rouge, grognant :

— En voilà assez !… Mais il m’avalerait tout mon argent, ce salaud de carme-là !

Malgré la colère où il était d’avoir perdu dix beaux louis d’or, il ne put maîtriser son admiration ; et il tapa sur le ventre du moine.

— Tu es un rude saligaud, conclut-il… C’est égal, tu es un bougre tout de même… Nous allons trinquer.

Le Père Pamphile refusa d’un geste doux, salua et sortit.