Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/131

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L’abbé se leva, poussé par une soudaine colère. Il avait compté sur une stupéfaction, une secousse, un écrasement, sur il ne savait quoi de formidable ! Et voilà que le bonhomme demeurait calme et qu’il avait dit : « Je ne peux pas », d’un ton tranquille, inflexible, où l’on sentait une résolution définitive ! Il se contint et regarda le moine. Quelques cailloux avaient glissé sous ses reins. Il se recala doucement, les jambes plus hautes. Et des gouttes d’eau tremblaient aux poils de sa barbe.

— Vous ne pouvez pas ? grommela l’abbé.

— Non !

— Faites bien attention… Vous ne pouvez pas ?

— Non !… Si vous avez une œuvre aimée de Dieu, faites comme moi… Les routes sont libres.

Jules s’exalta :

— Croyez-vous donc que je sois un vagabond, un détrousseur de bourses, un rat de bordels ?

— Vous êtes ce que vous êtes ; je suis ce que je suis… Pourquoi vous fâchez-vous ?

— Encore une fois, vous ne pouvez pas ?

— Je ne peux pas !

L’abbé brandit son poing dans le vide.

— Eh bien !… je vous interdirai de mendier dans le diocèse… les gendarmes vous mettront la main au collet et vous jetteront en prison…

— Oh ! fit le Père Pamphile, en secouant la tête mélancoliquement… dans le diocèse, je suis brûlé… on ne me donne plus rien… Quant à la prison, de