Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/153

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Et combien magnifiquement !… Aujourd’hui encore, il nous domine… Tout découle de lui, systèmes et poésies. Et plus nous allons, plus son œuvre lumineuse grandit et bouleverse !… Sans lui, nous en serions encore à adorer Minerve et son casque, et cette brute de Vulcain !… Et puis Virgile, ses beaux vers, ses beaux rythmes, il les a volés à Lucrèce.

— Ne dites pas cela, mon cher enfant, protestait le prélat… Virgile est la source, croyez-moi, la source unique. C’est à lui qu’il nous faudra revenir, toujours, toujours…

— A-t-il seulement poussé ce cri de souffrance : Pacata posse omnia mente tueri !… Oh ! pouvoir contempler toutes choses, d’une âme pacifiée !… Sans Lucrèce, Monseigneur, nous n’aurions ni Pascal, ni Victor Hugo !

— Victor Hugo ! mon cher enfant !… C’est un monstre !

À la suite de ces causeries, l’évêque se sentait très heureux… Et il disait à Jules :

— Mon cher abbé, je n’ai que vous… Aimez-moi toujours comme ça !

— Oui, oui ! Monseigneur… Je vous ai causé tant de chagrins.

— Mais non ! mais non !… C’est moi qui suis ainsi… c’est mon caractère !… Enfin, je n’ai que vous.

Il s’en fallait que l’abbé fût toujours aussi calme qu’il paraissait l’être, et, bien que son désir du mal n’eût pas alors de but déterminé, ses mauvais instincts