Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/249

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J’étais bien ému lorsque je m’engageai, à mon tour, dans l’étroite allée de lauriers qui conduisait aux Capucins ; et je ne songeais pas à regarder les merles qui, près de moi, s’envolaient des touffes de verdure ni les rouges-gorges agiles qui se glissaient par terre, entre les ramilles basses, avec des farfouillements de souris. En quittant brusquement une branche de sapin, un geai cria si fort que j’eus peur, et que mes livres tombèrent sur le sol. Je les ramassai, et en me relevant, j’aperçus, à vingt pas devant moi, mon oncle, tout droit, tout noir, dans l’allée.

— Ah ! te voilà ! me dit-il.

— Oui, mon oncle.

Je tremblais : mes jambes sous mon corps se dérobaient, molles et glacées…

Il se dirigea vers le perron au pied duquel s’étalaient les touffes d’hortensias et s’assit sur une marche.

— Assieds-toi, mon garçon ! fit-il.

— Oui, mon oncle…

— Et tu apprends la flûte ? à ce que m’a dit ton père ?

— Oui, mon oncle.

— Et le latin ?…

— Oui, mon oncle.

— Qu’est-ce que tu as là, sous le bras ?

— Ce sont mes livres.

Il les prit, les examina rapidement et les lança dans l’espace, l’un après l’autre. Je les entendis retomber lourdement derrière le petit mur qui entourait la cour.