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L’ABBÉ JULES



PREMIÈRE PARTIE


I


Hormis les jours où mon père avait pratiqué une opération difficile, un accouchement important, et qu’il en expliquait, à table, par des termes techniques, souvent latins, les plus émouvantes phases, mes parents ne se parlaient presque jamais. Non qu’ils se boudassent ; ils s’aimaient beaucoup au contraire, s’entendaient, en toutes choses, le mieux du monde, et l’on ne pouvait rencontrer un ménage plus uni ; mais, habitués à penser la même pensée, à vivre les mêmes impressions, et n’étant point romanesques de leur nature, ils n’avaient rien à se dire. Ils n’avaient rien à me dire non plus, me trouvant ou trop grand pour m’amuser à des chansons, ou trop petit pour m’ennuyer à des questions sérieuses. Et puis, ils étaient