Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/56

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— Assez !… Assez !

Et, de toutes les poitrines haletantes, un même cri monta vers la chaire, formidable et douloureux :

— Oui !… Oui !… Assez !… Assez !

Il s’arrêta ; le souffle lui manquait. Et, tandis qu’il essuyait son front, d’où la sueur coulait abondamment, tandis qu’il ramenait sur ses bras les manches trop lâches de son surplis, ô prodige !… un rayon de soleil, pénétrant par la rosace du vitrail, en face de la chaire, traversa la nef et vint illuminer le visage du prédicateur d’une étrange lueur d’arc-en-ciel. Tous levèrent la tête simultanément, vers la lumière annonciatrice, et, crurent voir un saint resplendir. Mais un nuage passa, voilant le soleil, et l’auréole disparut.

Maintenant, l’abbé était apaisé. Il poursuivit son sermon, scandant les mots avec lenteur. D’âpre et vengeresse, sa voix était devenue douce et suppliante. Des larmes intérieures la faisaient trembler légèrement, et lui donnaient des accents de tendresse ineffable. Les mains jointes, le regard projeté sur la voûte, où flottaient encore de mourantes fumées d’encens, il demandait pardon aux hommes, aux saints, à la Vierge, à Dieu, avec ivresse, avec délire. Il invoquait même la pitié des choses.

— Et toi, aussi, Nature virginale et féconde, dont les ruts sont aimés de Dieu, et qui recouvres de vie splendide le corps délivré des justes ; toi que, tant de fois, j’ai souillée, toi que j’ai profanée, pardonne-moi. Pardonne-moi, et donne-moi la souffrance, car la