Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/94

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souverainement comique. Mais Jules ne songeait point à rire. Il joignait les mains.

— Oh ! parlez-moi, Monseigneur !

L’évêque se frotta les yeux de nouveau, dodelina de la tête, et lentement, il bégaya :

— Que je vous parle, mon cher abbé ?… Oui, oui !… que je vous parle, c’est cela ?… Mais sont-ce des choses raisonnables que vous me dites là ?… Êtes-vous bien sûr ?… Que je vous parle ?… Je veux bien, mon enfant, mais quoi ?… Et pourquoi ?…

La voix de Jules s’impatienta.

— Parlez-moi donc ! Dites un mot qui me console… qui me relève… ou qui me châtie… est-ce que je sais, moi ?… Un mot, comme Jésus en tirait du fond de sa divine pitié, pour les malheureux et les pécheurs repentants, comprenez-vous ?… Hein ! comprenez-vous ?

— Comme Jésus !… répétait l’évêque, dans un long bâillement… Comme Jésus !… Oui ! oui !

Et il ajouta :

— Mais ce n’est guère le moment, il me semble… Demain, plutôt… demain matin, vous me rappellerez… vous me ferez penser…

L’abbé Jules s’était levé… Il fixa sur le vieillard un regard mauvais, eut un haussement d’épaules, et, sans prononcer une parole, reprit la lampe, se dirigea vers la porte… Très raide, il ne répondit rien au prélat qui lui disait, en se recoulant sous les couvertures :

— C’est cela… demain ! C’est entendu, n’est-ce pas ?…