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Page:Mirbeau - La Pipe de cidre.djvu/105

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guet dans une forte étreinte. Il geignait, les veines du cou gonflées par cet effort :

— Qu’il est lourd !… bon Dieu ! qu’il est lourd !

La foule s’était rapprochée, enhardie, secourable :

— Taisez-vous ! Il parle… Il a parlé !

— Il a parlé !

— Oui, il a parlé.

— Qu’est-ce qu’il dit ?… Mettez-le sur la marche… Vous l’étouffez !… Mais taisez-vous donc, puisqu’il parle…

Et, parmi le léger frémissement des voix, subitement tues, l’on entendit, comme un souffle, M. Rodiguet, qui soupirait :

— Ah ! mon Dieu !… Ah ! mon Dieu !…

L’homme le déposa sur la marche, déboutonna le col de sa chemise.

— Eh bien ! monsieur Rodiguet ?…

M. Rodiguet respira longuement et regarda la foule, étonné de tout ce monde qui le regardait. De grosses gouttes de sueur roulaient sur son visage.

— Allons, monsieur Rodiguet, dit l’homme au tablier de cuir, vous êtes malade. Nous allons vous porter dans votre chambre, nous allons vous mettre sur votre lit…

— Non, non… Laissez-moi ici… Je ne veux pas…