Page:Mirbeau - La Pipe de cidre.djvu/111

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mendiant. Il ne revient qu’à la nuit dans la maison, battu quand ses poches sont vides, encouragé d’un seul mouvement de tête approbatif lorsqu’il dépose sur la table le produit de ses larcins.

Les promeneurs fuient cette maison, dont les fenêtres, à la tombée de la nuit, luisent comme des regards de crime…

Assis sur le seuil, le Polonais confectionne, sans enthousiasme, des balais de bouleau, pour le prochain marché. On voit que cette besogne répugne à sa force. C’est un petit homme trapu, carré d’épaules, de membres puissants et de reins souples. De son visage enfoui sous les broussailles d’une barbe rousse, on ne voit que deux yeux étrangement brillants, des yeux d’orfraie, et deux narines sans cesse battantes comme celles des chiens qui ont humé dans le vent des odeurs de gibier.

Sa femme, grande, sèche, ridée, tresse des paniers d’osier, dans la maison… Le profil de son visage coupant, sa silhouette plate se devinent plutôt qu’ils ne se voient dans l’ombre lourde de cette sinistre demeure. Tous les deux, ils ne se disent rien. Quelquefois ils s’arrêtent de travailler. Et le silence de ces deux êtres a