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Page:Mirbeau - La Pipe de cidre.djvu/130

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Qu’un homme, qu’une créature de Dieu, sous ma protection de ministre de Dieu, s’en aille de la vie terrestre, sans une prière, sans un chant sacré, sans une goutte d’eau bénite, cela ne sera pas, cela ne se peut pas !…

Puis, soudain, il se rappela son serment au chevet du mourant : « Quelles qu’elles soient ! » avait-il juré. Que faire ? Ou il allait être parjure, ou il allait être infâme ! Il se rendit à l’église, et, à genoux sur les marches de l’autel, les yeux et les mains tendus dans une supplication déchirante vers la face du Christ, il resta, une partie du jour, en prières.

Le lendemain, une foule en deuil stationnait devant la maison mortuaire. Dans le vestibule, l’humble cercueil, recouvert d’un drap noir, disparaissait sous un amoncellement inusité de fleurs et de couronnes. Tous les visages exprimaient l’affliction la plus vive ; le deuil était non seulement sur les habits, mais dans tous les cœurs. On entendait des sanglots étouffés sous des mouchoirs.

Tout à coup, un personnage, étrangement vêtu, parut au milieu de la foule étonnée. On ne le reconnut pas d’abord. Il portait une antique redingote, à basques plissées, et qui cra-