Page:Mirbeau - La Pipe de cidre.djvu/200

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étrangement stupides, dont l’un était receveur de l’enregistrement, et l’autre, je ne sais plus quoi. Non, en vérité, je ne sais plus quoi. À peine si je leur adressai la parole, et je les traitai comme des passants.

Quand ils eurent compris que je ne comptais pour rien dans la famille, ils me négligèrent totalement, me méprisèrent tous les deux pour ma faiblesse, pour mes façons solitaires et gauches, pour tout ce qui n’était pas eux, en moi.

C’étaient de grands gaillards, bruyants et vantards, ayant beaucoup vécu dans la lourde, dans l’asphyxiante bêtise des petits cafés de village. Ils y avaient appris, ils en avaient gardé des gestes spéciaux et techniques. Par exemple, quand ils marchaient, avançaient le bras, saluaient, mangeaient, ils avaient toujours l’air de jouer au billard, de préparer des effets rétrogrades, importants et difficiles. Et, naturellement, il leur était arrivé des aventures merveilleuses, de frissonnantes histoires, où ils s’étaient conduits en héros. Dans la famille et dans le pays, on les trouva excessivement distingués.

— Sont-elles heureuses ! s’exclamait-on, en enviant mes sœurs.

Le receveur de l’enregistrement avait débuté, comme fonctionnaire, dans un petit canton des