Aller au contenu

Page:Mirbeau - La Pipe de cidre.djvu/42

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

me renverser… Je mis dix minutes, peut-être davantage, pour pénétrer jusqu’à la chambre. Ils dormaient toujours. Je m’avançai sur la pointe des pieds, retenant ma respiration… À plusieurs reprises, sous mes pas, le parquet craqua, un verre d’eau résonna sur une table mal assujettie… Ils dormaient toujours ; j’entendais leur souffle fort et régulier, près de moi… Et tout d’un coup, comme une masse, je m’abattis sur le colporteur que je bâillonnai et ligotai en un clin d’œil… Rosalie s’était levée tout effarée… elle avait poussé un cri terrifié…

— Tais-toi, ma chère âme, lui dis-je… Je t’aime…, ne crains rien…, et aide-moi…

Je soulevai le colporteur et l’attachai solidement à l’une des colonnes du lit… Rosalie, tremblante, était venue se rouler en boule, comme un chien, à mes pieds.

— Ne crains rien, petite âme chérie, répétais-je… Pourquoi trembler ainsi, puisque je t’aime ?

Alors, je commençai à torturer le colporteur. Je lui arrachai, un par un, tous les ongles des mains et tous les ongles des pieds… Il ne pouvait hurler sous la douleur, car j’avais eu soin de lui bâillonner la bouche avec une serviette… Mais le sang coulait ; les tendons du cou, des mains et des jambes s’allongeaient et vibraient comme des cordes de violon ; une effroyable