L’octogénaire
Depuis plus de vingt années, la mère Rosa Pelletreni vivait seule, toute seule, en un petit village de la campagne de Rome. Son mari était mort, dévoré par la pellagre ; les fièvres avaient emporté sa fille ; son fils, parti pour Paris, s’y était marié, avait eu des enfants, faisait le diable sait quoi. Et elle, la mère Rosa, avait quatre-vingts ans. Malgré la peur du voyage qui prend, d’ordinaire, les vieilles gens, et bien que, jusqu’ici, elle eût supporté, sans peine, une absence à laquelle, le plus souvent, elle ne songeait guère, elle désira, tout d’un coup, revoir ce fils presque oublié, connaître ses petits-enfants, ne pas mourir sans les embrasser. Elle ne possédait que très peu d’argent, juste de quoi suffire aux dépenses du voyage, un argent péniblement amassé, miette par miette, sou par sou, âprement gratté sur l’épargne continue des aumônes, car, ne pou-