Page:Mirbeau - La Vache tachetée.djvu/12

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— Ah ! tout cela finira mal !… tout cela finira mal !

Le prisonnier eut un scrupule :

— Moi aussi, questionna-t-il, non sans une terrible angoisse, j’ai, peut-être, par les chemins et sans le savoir, proclamé une vérité ?

— C’est peu probable ! répliqua le gardien, en hochant la tête… Car vous n’avez point une mauvaise figure… Il se peut que vous soyez un assassin, un faussaire, un voleur. Ce qui n’est rien, en vérité, ce qui est même une bonne chose… Mais si vous aviez fait ce que vous dites, il y a longtemps que vous auriez été jugé et mis à mort…

— On les condamne donc à mort, ceux qui vont proclamant des vérités ?

— Tiens !… Parbleu !… Il ne manquerait plus qu’on les nommât ministres ou archevêques… ou qu’on leur donnât la croix de la Légion d’honneur !… Ah ! çà !… D’où venez-vous ?

Un peu rassuré, Jacques Errant murmura :

— Enfin !… pourvu que je n’aie pas proclamé une vérité quelque part… C’est l’essentiel…

— Et que vous n’ayez pas, non plus, une vache tachetée !… parce que voilà encore une chose qui n’est pas bonne par le temps qui court…