— Hélas ! protesta le misérable, je ne possède pas cette vache-là, ni aucune autre vache que ce soit !… Je ne possède rien sur la terre… Et je jure, en outre, que jamais, à aucun moment de ma vie, je n’ai, de par le monde, proclamé une vérité…
— C’est bien ! grinça le juge d’une voix tellement stridente que Jacques crut entendre se refermer sur lui la porte de la prison éternelle… Votre affaire est claire… et vous pouvez vous asseoir !…
Vers la nuit, après bien des paroles échangées entre des gens qu’il ne connaissait pas, et où sans cesse revenaient son nom et la vache tachetée, parmi les pires malédictions, Jacques fut condamné à cinquante années de bagne pour ce crime irréparable et monstrueux de posséder une vache tachetée qu’il ne possédait pas.
La foule, déçue de cette sentence, qu’elle trouvait trop douce, hurla :
— À mort !… À mort !… À mort !…
Elle faillit écharper le pauvre diable que les gendarmes eurent toutes les peines du monde à protéger contre les coups. Parmi les huées et parmi les menaces, il fut reconduit dans sa cellule, où le gardien l’attendait.
— Ma tête est toute meurtrie ! dit Jacques Errant accablé… Comment se fait-il que moi,