foule, qui avait pris d’assaut l’omnibus, aidé de douze gardiens de la paix survenus au bruit de la bagarre, se rua courageusement sur le jeune homme, qui, en un instant, étouffé, déchiré, aveuglé, mis en pièces et tout sanglant, fut jeté comme un paquet sur le trottoir.
Nous applaudîmes frénétiquement à cet acte de justice, à cette conquête du règlement sur les principes révolutionnaires, et, le calme s’étant rétabli, les voyageurs ayant repris chacun sa place, l’omnibus s’en alla, symbole de la paix sociale, affirmation triomphante de la hiérarchie… J’appris, depuis, que ce jeune homme, qui avait voulu, un moment, troubler la belle harmonie des administrations de notre République, n’était pas un Français !… Cela ne m’étonna pas, et j’aurais bien dû m’en douter…
J’attendais donc toujours l’omnibus.
Depuis longtemps, l’heure était passée de mon rendez-vous, et je n’avais plus qu’à rentrer chez moi ; d’autant que la pluie redoublait et me trempait jusqu’aux os. Mais je voulais attendre encore, par respect, par soumission, par protestation contre cet acte inouï de révolte qu’avait commis ce jeune étranger… Je vis des gens entrer dans des restaurants, puis en sortir… Je vis des gens entrer dans des théâtres, puis en sortir… Je vis des magasins s’éteindre